Partie I : OriginesDans la pénombre la plus totale, une jeune femme du nom de Joséphine se rendait voir le Chambellan, au château de Silversky, afin d’aider à la guérison de l’évêque souffrant. Elle était d’humeur joyeuse, et ne se pouvait se douter que le pire allait lui arriver…
C’est en apercevant une grande ombre floue, terrifiante, que son cœur commença à battre plus vite. Un fin rideau de sueur angoissée se forma sur son front lisse. Ses pas se firent de plus en plus rapides. Elle se retourna mais ne vit plus personne… Rassérénée, elle continua sa route. Passées les murailles encadrant la fontaine, elle se fit soudainement attraper le bras. Son premier réflexe fut de crier, d’appeler du secours, et en se débattant elle réussit à desserrer l’étreinte de son agresseur, et put s’enfuir. Mais l’homme, bien déterminé, la poursuivit. Elle courut aussi vite qu’elle le put, mais fut rapidement rattrapée : il la saisit par les cheveux, et la tira d’une force surhumaine. Couverte par la noirceur de ses ailes, elle hurla, mais de sa gorge ne sortit aucun son. Elle tomba au sol ; ses hurlements retentissaient dans la ville entière, mais personne ne lui vint en aide. Seuls de violents coups de poing dans le ventre, à répétition, purent la faire taire. Il déchira ses vêtements, puis ses sous-vêtements, avec une patience sadique. Elle ne put rien faire, et l’acte fut bref. Alors qu’il la violait, l’homme lui donnait des gifles, gardant ainsi une domination totale sur sa victime. Quand le violeur eut fini, il disparut dans les ténèbres.
Partie II : Naissance et enfanceSon ventre ne commença à s’arrondir qu’au bout de quatre mois. L’absence de saignement l’avait déjà prévenue, et depuis quelques semaines elle le savait, s’en doutait au plus profond d’elle-même : elle portait un enfant. Un monstre. Sa détresse l’avait déjà poussée à plusieurs tentatives de suicides. Toutes, elles avaient échoué.
Arrivée au terme de sa grossesse, entourée de trois femmes et d’un piteux guérisseur, elle commença l’accouchement. Les hurlements de douleur retentissaient dans la campagne alentour. Ce n’est qu’après de longues heures de souffrance, plusieurs litres de sang perdus et des larmes à foison, que l’enfant, enfin, naquit. Repoussée, elle ne put l’allaiter, ni même le prendre dans ses bras. Rien que le fait de le regarder la faisait pleurer de honte et de colère.
Au cours de ses jeunes années, Hydroel s’était étonné de ne pas avoir de père, mais il ne fut jamais mis au courant des conditions de sa naissance. De sa mère, il ne reçut que mépris et indifférence. C’est de sa nourrice que l’enfant reçut toute l’éducation et tout l’amour que Josephine ne lui avait pas dispensé. Il fut élevé dans la religion maternelle, Artherkienne. Ce n’est qu’à l’âge de quatre étés qu’il comprit qu’il n’avait pas de père.
Partie III : La DécouverteVingt années ont passé depuis l’acte de viol perpétré sur Josephine.
C’était la fin d’une journée nuageuse d’hiver, sombre comme il y en rarement. Hydroel marchait dans les rues ombrageuses de Windhowl ; il s’y était déplacé dans la journée, afin d’y entretenir des affaires avec le bourgmestre. Il avait voyagé la journée entière et comptait se reposer dans une auberge le soir même, avant de rencontrer le bourgmestre le lendemain, en matinée.
À cette heure déjà tardive, la taverne était presque vide. Seul un vieux soûlard ronflait dans un coin. Le jeune homme s’installa à une table du fond et commanda son repas. Son plat avait été servi et il se préparait à manger lorsqu’il vit entrer un petit groupe d’hommes bruyants. Ils étaient quatre, et l’un d’eux, âgé d’une cinquantaine d’années, marqua particulièrement son attention. L’homme était grand, basané et marqué d’impressionnantes cicatrices. Sous sa chemise, ses épaules larges laissaient deviner des bras puissants. Il marchait avec l’impression d’un grand poids, de cette démarche stable et basse si courante chez les guerriers expérimentés. Il ne parlait pas, alors que ses compagnons paraissaient gais. Le groupe alla s’installer à une table proche de celle du jeune homme et commandèrent.
Quelques temps après, alors qu’Hydroel avait terminé son repas et s’attardait à sa table et que les arrivants avaient déjà recommandé à boire plusieurs fois, le jeune homme commença à somnoler à sa table. Le tavernier, depuis un moment déjà, avait sorti le soûlard et s’était retiré dans sa réserve. L’alcool semblait avoir délié les langues, et l’homme qu’Hydroel avait remarqué au début paraissait déjà plus loquace. Ses mains puissantes semblaient étouffer les chopes qu’il tenait, et lorsqu’il riait, ce qui arrivait désormais fréquemment, son rire secouait ses puissantes épaules. Il racontait des anecdotes de ses exploits, et il en ressortait souvent une gloire et une puissance que peu ou prou pourraient égaler. Quel que soit le sujet, une évocation à sa famille revenait régulièrement dans la conversation. Mais c’est alors qu’il baissa la voix que le jeune homme commença réellement à écouter ce qu’il disait. Les autres hommes parlaient des femmes qu’ils avaient connus.
- Je n’ai que rarement raconté ça, mais l’une des meilleures femmes que j’aie connu n’était pas consentante.
- Et qui est donc cette femme, ami ? La connaît-on ?
- Je serai étonné que vous ne la connaissiez pas. Il baissa de nouveau la voix. Il s’agit de Josephine, membre de la Garde d’Artherk.
Hydroel ne réagit pas immédiatement lorsqu’il entendit ceci, mais se réveilla tout à fait.
- Tu nous mens, cette fois-ci encore. Tu as trop bu, espèce de sagouin !
L’homme haussa la voix à cette accusation :
- Aussi vrai que je m’appelle Viperes Saira, je ne vous mens pas ! Il paraît même qu’elle a mis bas peu de temps après, alors qu’elle n’était censée n’avoir connu aucun homme ! Ses parents, de rage, l’en auraient reniée et c’est ce qui l’aurait poussée à s’enrôler dans la garde !
À ces paroles, le jeune homme bondit sur ses pieds :
- Vous mentez ! Comment osez-vous remettre ainsi en question la pureté de ma mère !
L’homme rit à ces paroles.
- Tu serais donc l’enfant unique de Josephine ? Son seul héritier et mon fils bâtard ?
- Je vous défend de parler ainsi de moi !
Les hommes éclatèrent de rire, raillant le jeune homme. Ce dernier ne savait comment se sortir de cette situation. Eperdu, il s’écria :
- Un duel mettra d’accord nos opinions, et la miséricorde d’Artherk donnera raison à la vérité !
Les hommes se gaussèrent de cet affront, et aussitôt Hydroel se demanda s’il n’aurait mieux faire de rester silencieux.
- Allons, ne te mets pas dans une telle situation ! Tu n’as même pas d’épée au côté, et tu es aussi fin qu’une femme !
De rage, le jeune homme saisit un couteau traînant sur la table et attaqua son adversaire. L’homme dévia son bras, le saisit par le cou et donna un puissant coup de poing dans son ventre, le gifla du revers de la main, puis le lâcha. Le garçon tomba à terre, assommé. L’homme, baissa les yeux vers lui. Ses pupilles noires lançaient des éclairs. Une lueur enflammée semblait y briller.
- Souviens-toi mon garçon : Viperes Saira. Ton père.
Et il sortit dans la nuit.
Partie IV : ReniHydroel, dès qu’il le put, se redressa et fuit, honteux de ce qu’il avait fait, pris de haine face au mensonge perpétré par sa mère et qu’il venait d’élucider, et effrayé par la violence et l'indifférence de celui qui prétendait être son père. Il voulait se venger, tuer ces personnes qui prétendaient être ses parents. Il fuit la ville et toute trace de civilisation ; il s’enfuit sans savoir où il allait, jusqu’aux plus profonds confins d’Althéa. Lorsqu’il s’arrêta enfin, il était dans une des plus antiques forêts des terres anciennes, devant une souche d’arbre millénaire.
Il s’agenouilla alors devant ce tronc et commença à prier. À prier, non pas le dieu qu’il avait servi jusqu’à ce jour, Artherk, mais celui qui devait desservir sa vengeance, assouvir sa haine : Ogrimar. En priant, il renia sa famille, son éducation ; il repoussa son passé entier, gardant uniquement ce qui était nécessaire à attiser sa rage. Nuits et jours durant, il pria sans même bouger. Même quand la faim commença à le tenailler, il resta prostré. Lorsque la fatigue commença à l’étourdir, il ne somnola pas. Alors que les charognards commençaient à s’attaquer à son corps mourant, il demeura immobile.
Au dixième jour, il commença à chanter. À chanter dans une langue qu’il ne connaissait pas, un air qui lui était inconnu ; il chantait sans savoir quoi, des paroles jaillies du plus profond de son être, du plus profond de son âme noircie.
Douze nuits et douze jours sont passés. Au treizième soir, il s’arrêta de chanter. La faim et la fatigue l’avaient mortellement affaibli ; son corps était dévoré par les charognards. Il était agonisant. L’appel était terminé.
Lorsque l’écho de son chant cessa de retentir parmi les arbres, la souche devant laquelle il était prosterné s’enflamma. Des flammes jaillit une fumée noire ; cette fumée s’épaissit, et, devant le jeune homme, prit la forme d’une gigantesque silhouette ; sans contour précis. Elle était plus grande que le plus grand des hommes, et si sombre qu’à ses côtés la nuit paraissait presque pâle. D’elle, on ne distinguait nettement qu’un gigantesque paire d’ailes agrémentant son dos, d’une noirceur si intense sous le ciel nocturne que celui-ci semblait presque clair. L’esprit se redressa, et s’exprima d’une voix qui semblait sortir des entrailles mêmes de la terre.
« Treize jours et treize nuits durant, tu m’as prié.
Pour invoquer la puissance du dieu sombre, tu as chanté les Cantiques Obscures, pourtant censées être oubliées depuis l’âge des Elfes.
De cette pauvre naissance,
Tu voulais t’échapper,
En quête de puissance,
Tu m’as appelé.
Pour cette haine même, je t’ai accepté.
Ce pouvoir, tu le Lui as quémandé
En échange de ton âme, tu le recevras,
Et au Mal, alors tu appartiendras.
Brises tes anciennes chaînes et renies ta famille passée. À partir de maintenant, tu n’auras qu’une seule attache et qu’un seul maître, le dieu Noir dont tu as mendié la force, celui qui te l’as accordée : Ogrimar. »Alors que l’esprit venait de terminer de parler, le feu sur lequel il reposait grandit brusquement. Tout aussi soudainement, un vent se leva et emporta le spectre, poussant du même coup les flammes vers le jeune bâtard. La flambée lécha sa peau déjà à vif, puis l’engloutit subitement. La chaleur rongea son épiderme, ses muscles et enfin ses os. De son corps, il ne restait plus rien qu’un sombre brasier.
Lorsque le feu se retira, toute trace de cadavre avait disparu. À la place des restes qui auraient dû s’y trouver se tenait debout un jeune homme nu. Son sombre regard fixait la forêt, droit devant lui. Dans son dos, une paire d’ailes noires était agitée par un léger zéphyr.
Hydroel.